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La bikunine : un « couteau-suisse » pour le dépistage des CDG

Recherche Article publié le 09 mai 2022

De Life Sciences UPSaclay

Une collaboration entre l’unité de Physiopathogénèse et Traitement des Maladies du Foie (UMR-S 1193 INSERM/UPSaclay, équipe « Mécanisme cellulaires et moléculaires de l’adaptation au stress et cancérogenèse », Pr Christian Poüs, Châtenay-Malabry), le centre des maladies osseuses constitutionnelles de l'hôpital Necker (Pr Valérie Cormier-Daire), et le service de biochimie de l’hôpital Bichat a permis de progresser dans le dépistage et la compréhension des maladies génétiques affectant la glycosylation des protéines. Les différents travaux, résumés dans une revue récente parue dans Genes, ont notamment permis d’améliorer le dépistage de ces pathologies grâce à la mise au point de l’analyse d’un nouveau biomarqueur sanguin : la bikunine.

La glycosylation est un processus complexe consistant en plusieurs étapes successives d’ajout de monosaccharides sur les protéines nouvellement synthétisées. On distingue deux types principaux de glycosylation : la N-glycosylation (fixation sur l’azote d’une asparagine) et la O-glycosylation (fixation sur l’oxygène d’une sérine ou d’une thréonine). Elles se déroulent dans le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi et font intervenir de manière coordonnée de nombreux acteurs moléculaires (enzymes, protéines régulatrices, cofacteurs). Les réactions de la glycosylation étant fortement dépendantes du pH, de l’environnement ionique et de la disponibilité en substrats, une homéostasie intracellulaire correcte est indispensable. Celle-ci est régulée par des pompes à protons, des canaux ioniques, des facteurs d’assemblage et des transporteurs de substrats. Les pathologies innées de la glycosylation, ou “CDG” (congenital disorders of glycosylation), sont dues à des mutations pathogènes sur les gènes codant ces différents acteurs moléculaires. Il s’agit de maladies rares multisystémiques (troubles neurologiques, handicaps moteurs, anomalies viscérales), et de sévérité variable.

Parmi les CDG, on trouve les troubles de la synthèse des glycosaminoglycannes (GAG). Ils se manifestent par de graves troubles ostéoarticulaires pouvant être associés à des désordres neurologiques, des anomalies cardiaques et des affections cutanées. En raison de cette symptomatologie peu spécifique, il est difficile d’établir un diagnostic pour ces syndromes. De plus, leur dépistage repose aujourd’hui sur des tests biochimiques très spécialisés et difficilement accessibles.

Dans ce contexte, l’équipe du Pr Christian Poüs (Walid Haouari, PhD et Arnaud Bruneel, MCU-PH) s’est intéressée au développement d’un test sanguin basé sur l’analyse de la bikunine, un protéoglycane circulant synthétisé par le foie. Ce protéoglycane se présente sous quatre isoformes circulantes : deux formes légères correspondant à la bikunine libre et à la bikunine liée à une chaine GAG de type chondroitine sulfate (Bkn-CS), et deux formes lourdes appelées ITI et PαI correspondant à la Bkn-CS liée, respectivement, à une ou deux glycoprotéines (« heavy chains »).

Les analyses par Western blot, électrophorèse 2D et spectrométrie de masse de sérums de patients atteints ont montré des anomalies quantitatives et qualitatives des isoformes légères de la bikunine chez plusieurs patients et ont suggéré l’existence de profils caractéristiques permettant d’orienter précisément le diagnostic de certains désordres de la synthèse des GAG.

Par ailleurs, en analysant les formes lourdes de la bikunine chez des patients atteints de CDG avec altération de l’homéostasie golgienne (troubles de la régulation du pH, troubles de l’entrée du manganèse), des profils anormaux ont été mis en évidence. Ainsi, la bikunine apparait être un biomarqueur additionnel de ces CDG.

Enfin, des analyses de la bikunine dans un modèle de lignée cellulaire hépatique soumis à des variations fines du pH extracellulaire ont montré des altérations spectaculaires de la biosynthèse de la bikunine, suggérant des pistes physiopathologiques et un potentiel intérêt dans le cadre de futures études in-vitro.

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Contact : arnaud.bruneel@universite-paris-saclay.fr